En 1933 dans son discours à l’occasion du soixante-dixième anniversaire d’ Henry van de Velde le ministre Camille Huysmans a dit: « Henry van de Velde c’est non seulement un grand artiste reconnu mais aussi quelqu’un qui a préparé la voie aux autres. Nous connaissons ses oeuvres. Elles se distinguent par la logique de la construction qui donne un effet esthétique. Van de Velde nous a débarrassé de la forme segmentée, des éléments superflus, des ornements qui sont si souvent ajoutés sans égard à la forme de la structure. Il nous a conduit en retour vers la direction de la noblesse de la ligne et de la simplicité pure. »
Ce n’est pas seulement un complement mais aussi un formulation réussie de l’essence même de l’oeuvre de l’artiste. La vie longue et intensive d’ Henry van de Velde n’est pas facile à résumer. On peut diviser son voyage à travers l’Europe en cinq périodes: première belge, allemande, suisse, hollandaise et deuxième belge. Son oeuvre variée (architecture, élaboration des projets de meubles, tissus, céramique, ferronnerie d’art, les travaux sur la théorie de l’art) va rester pendant de longues années une source d’inspiration inépuisable malgré plusieurs ouvrages déjà publiés.
Henry van de Velde est né en 1863 à Anvers, septième de huit enfants. Il a grandi dans un milieu bourgeois (son père était chimiste). Tout indiquait qu’il allait choisir une carrière typique pour un représentant de la classe moyenne. Le goût pour l’aventure a vite démontré que sa vie allait emprunter un autre chemin: un chemin artistique. Bien qu’il s’intéressât à la musique (le compositeur Peter Benoît était un ami de la famille) il a choisit des études à l’Académie d’art. En 1881 il entre à l’école supérieure de sa ville natale. Il a pris des leçons de différentes sortes de dessin. À la demande de Charles Verlat- directeur de l’Académie van de Velde continuait ses études dans son atelier privé. Van de Velde a dit plus tard de ses années passées à l’Académie: « Les années désagréables et perdues. Les études académiques sont invariablement pénibles et stériles. Ils s’écartent tellement de l’aventure et de la liberté qui constitue l’essence même de l’art. »
Quand en 1884 il a vu « Bar aux Folies Bergère » de Manet à l’exposition à Anvers il était tellement bouleversé qu’il a demandé à son père la permission d’aller à Paris pour y faire ses études. À l’âge de 21 ans il est parti pour la capitale de la France. Il y étudia dans les ateliers de Bastien Lepage et Carolus Duran. Quoique fasciné par « l’école de Barbizon » il est revenu deçu à Anvers. Le peintre Emil Claus lui a suggéré de se rendre au village Wechelderzande où les sommités de l’art belge se sont installés. Au début il a eu l’intention de s’y arrêter pour peu de temps. Finalement il y resta quatre ans. C’est là- bas que van de Velde a pris un contact vrai et étroit avec la vie de campagne dont il avait déjà connu un avant goût à Barbizon. Pendant ce séjour il a écrit un essai intitulé « Du paysan en peinture » (analyse historique, esthétique et sociologique) et il a créé une série de tableaux et de pastels. Le séjour à Wechelderzande a eu sans aucun doute une grande influence sur l’essence de l’oeuvre d’ Henry van de Velde. L’artiste a écrit: « Dans les villages lointains sur la plaine Campine je m’adonnais à la lecture et à la réflexion qui m’ont détachés définitivement des formes antisociales de la peinture et de la vie artistique telle que je les avais connues auparavant. Seulement celui qui aide tout le monde est vraiment utile c’est ce que mon coeur et ma raison me dictaient. »
Dans la période de dessin et de peinture, van de Velde était d’une façon naturelle attaché à la surface plate à qui il essayait de donner une expression harmonieuse et plein de vivacité. Il présentait une attitude pareille à l’égard de l’espace dans l’architecture et l’art appliqué. Sans étudier la qualité de ses dessins on peut constater que les idées ésthétiques de van de Velde évoluaient continuellement.
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La veillée des anges, 1892 |
En 1884 il a décidé d’abandonner la peinture une fois pour toutes. A l’automne de 1888 van de Velde s’est joint à un groupe artistique de Bruxelles Les X X. C’est à cette époque-là qu’une nouvelle voie d’intérêts s’est ouverte à lui et la possibilité d’un champ d’action plus large. Bien qu’au début dans les salons de Les XX on exposait seulement les tableaux, depuis 1890-91 ce groupe montrait un grand intérêt pour l’art appliqué. Jules Cheret présentait des affiches, Zalter Crane les livres pour les enfants, Gauguin sa première exposition de céramique et A. W. Finch sauf ses oeuvres de peintures, ses premiers produits céramiques. En même temps, Bruxelles était l’une des villes peu nombreuses sur le continent où les produits de la maison anglaise Liberty furent introduits. Le magasin appartenant à la « Compagnie japonaise » vendait tables vernies, tapis, verreries et services de table justement de cette société. C’est sans doute A. W. Finch le premier à faire connaître à van de Velde les idées de Ruskin et de Moris. Van de Velde était particulièrement inéressé par l’aspect social de leurs oeuvres et leur lutte pour que l’artisanat et l’art soient toujours présents dans la société. Les contacts personnels de l’artiste avec des socialistes importants Emilie Vandervelde et Max Hallet l’ont rendu particulièrement sensible aux problèmes de l’intégration de l’art avec la vie sociale.
L’année 1893 est très importante pour Henry van de Velde aussi bien sur le plan artistique que personnel. En hiver 1892 sa tante a fait selon son projet une broderie intitulée «La veillée des anges ». Elle a été exposée à la dernière exposition du groupe Les XX en 1893.
À une réception donnée par le peintre Theo van Rysselberghe van de Velde a fait la connaissance d’une jeune élève. Elle s’appelait Maria Sethe et était la fille d’un riche industriel de Uccle (Bruxelles). En apprenant qu’il s’intéressait à l’art et à l’artisanat, la jeune femme a promis de le mettre au courant des nouvelles artistiques de Londres. Grâce à cela Henry van de Velde a pu exposer sa nouvelle collection d’oeuvres fait en acier et les oeuvres dans un esprit d’art appliqué anglais progressiste. En octobre 1893 il a commencé une série de conférences à l’Académie d’ Anvers qu’il illustrait avec ses oeuvres.
Dans son autobiographie van de Velde évoque ainsi ces conférences à l’Académie: « À la base des reproductions et des originaux dont je disposais j’analysais les différents courants de l’art et de l’artisanat et le développement de différentes techniques qui avaient contribuées au passage de la tradition de production à la main à la production mécanique. C’était une révolution. Même Ruskin dont l’opposition était affaiblie en plus par son attitude paradoxale et excentrique était hors d’état de l’arrêter. L’accusation de la machine à propager la laideur était injuste. Cela révélait seulement l’avidité des industriels qui grâce à la machine produisaient en masse les horreurs faites autrefois à la main et envhissaient le marché avec elles. Le fait est que dans l’avenir leur réputation dépendra des valeurs morales et esthétiques des produits faits à l’usine. »
Ces idées présentées aussi dans une série de conférence sur « ornementation et l’art industriel à « l’Université Nouvelle » à Bruxelles ont servi de base à sa première publication en 1884 intitulée « Déblaiement d’art » (Porządkowanie sztuki). Elle comptait 33 pages. Elle a été publiée en tirage limité à 150 exemplaires. C’était un chef-d’oeuvre typographique où il se prononçait à la fois ardement pour le retour de l’art qui: « exige qu’on sacrifie la vanité personnelle et qu’ on surmonte le mépris avec lequel on traitait les recherches artistiques de l’essence de fonctionnalité. On se surmène en s’efforçant de sourire dans une atmosphère d’ennui ».