Dans l’entre-temps, le 30 avril 1894 Henry van de Velde a épousé Marie Sethe. Le jeune couple logeait chez la mère de Marie. Le beau-fils a été autorisé par sa belle-mère de faire ses premiers pas dans le monde de l’architecture en faisant quelques petits changements dans la petite maison familiale. Sous la direction aussi de sa belle-mère van de Velde a fait son premier projet dans le domaine de l’art appliqué: les meubles pour Irma, sa belle-soeur. Peu de temps après madame Sethe a rendu possible la réalisation des rêves de son beau- fils en lui fournissant les moyens pour la construction de sa propre maison sur un lopin de terre voisin. C’est de cette façon qu’a été construite Bloemenwerf (1895-96), appelée ainsi en souvenir de la maison de campagne qu’il a vue pendant sa lune de miel en Hollande. Sans aucune formation architectonique Henry van de Velde a créé une oeuvre qui reflétait ses opinions théoriques: le rejet complet de quelque style que ce soit existant déjà et l’agrandissement de la surface habitable étaient l’expression de l’homogénéité, de l’économie de style et avant tout de la liaison étroite de l’architecture avec les arts appliqués. Aujourd’hui c’est une oeuvre qui parle toute seule. Cependant en 1895 elle était l’objet de la risée et de la controverse. Malgré certaines ressemblances extérieures à une maison de campagne anglaise, Bloemenwerf était un projet extrêmement révolutionnaire. Selon van de Velde c’était quelque chose qui était au dessus de la logique et de la simplicité qu’impressionait aussi bien les visiteurs que les architectes: « la façade et la forme atypique, le manque de symétrie des fenêtres et la forme du toit auraient pu être pardonnés. Mais on n’a pu pardonner l’absence des marques extérieures d’un style déterminé surtout que ni les explications d’un manque des fonds ni les questions économiques n’entraient en considération. ». La première oeuvre architectonique d’ Henry van de Velde n’a pas pu être certainement qualifiée comme parfaite. Comme un exemple de l’art plastique elle laisse un peu à désirer et de ce point de vue elle est différente par exemple du bâtiment Hogenhof (Hagen, 1907). C’est quand même Bloemenwerf qui est avant tout l’expression vive de la réalisation dans la pratique des idées théoriques du créateur sur l’art. Elles se manifestent à l’aide d’une conception esquissée d’une façon mûrement réfléchie, d’une ligne distincte ce qui est le rejet radical de l’imitation d’un style quelconque.
À Bloemenwerf Henry van de Velde a élaboré non seulement les projets du bâtiment mais aussi ceux des meubles: « Je projetais de faire tout ce qui est parfait, ce qui n’est pas chargé du sentimentalisme et ce qu’ on peut d’une façon simple saisir par la raison. Les meubles de notre maison me semblaient parfaits, ils n’étaient pas surchargés d’ornements au moindre dégré et ils faisaient penser à la fraicheur d’un recoin le plus éloigné d’une vallée ensoleillée. Par la simplicité du style ils avaient l’air de jeter un défi aux meubles entassés dans un magasin d’antiquité. Le bois de frêne luisant et vernis, les détails étudiés rassassiaient les yeux et l’âme. Aujourd’hui cela n’étonnerait personne mais en son temps ce style était un événement.
Le sensationnel devenait de plus en plus grand. Il a été provoqué par l’exposition des meubles de Bloemenwerf dans le salon de « La libre Esthétique » en 1896 (qui après 1894 a remplacé Les XX ) et à Paris où Siegfried Bing projetait l’exposition de l’Art nouveau suivant l’exemple de « La maison d’art » de Bruxelles de 1894. Le projet de la première exposition de Bing prévoyait l’abandon de la disposition organisée des stands. Les oeuvres d’art devaient être présentées dans différentes pièces et intérieurs qui faisaient ressortir le mieux leurs qualités. En 1895 Bing a proposé à Henry van de Velde l’ameublement de quatre pièces d’une nouvelle maison de Paris: une grande salle à manger, un fumoir revêtu de bois du Congo, un petit cabinet en bois de citronnier et une rotonde dans le style des décorations sur les murs. L’exposition a fait un scandale et a été l’objet d’une critique défavorable. C’est aussi parce que les exposants et surtout van de Velde manifestaient la rupture avec le style français existant. Dans son journal Edmont de Goncourt a écrit des remarques malveillantes sur les oeuvres de Henry van de Velde: « Les meubles français doivent-ils avoir un tel aspect dans l’avenir ? - Deux fois, non. »
La grande renommée des projets de Henry van de Velde est parvenue même jusqu’à Berlin. Les délégués de Dresde qui sont venus à la recherche des oeuvres à l’exposition « Dresdner Kunstgewerbe Ausstellung » (1897) ont decidé de visiter aussi « l’Art Nouveau » à Paris. Ils ont tout de suite demandé à Henry van de Velde d’exposer les quatre intérieurs de l’exposition de Bing à Dresde avec un nouveau projet intitulé « Ruheraum ». À l’opposé de l’exposition parisienne, en Allemagne l’oeuvre de van de Velde a été accueillie avec un grand enthousiasme.
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Tropon Poster, 1898 |
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Dresde 1897 c’est le début de la carrière de Henry van de Velde en Allemagne. C’est à cette époque-là que la meilleure période de son travail a commencé aussi bien à l’égard de la quantité d’oeuvres que de leur niveau. Ses premiers commettants étaient très influents: Julius Meier Graefe (critique d’art et éditeur des magazines « Decorative Kunst » (en 1897) et « L’art décoratif » (en 1898), Harry Graf Kessler et le baron Eberhard von Bodenhausen, de riches amateurs d’art ainsi que les membres de l’équipe rédactionnelle de la revue « PAN » liés d’amitié entre eux. En 1897 van de Velde a publié un article controversé intitulé « Entwurf und Bau moderner Möbel » et le premier numéro de « L’art décoratif » en octobre 1898 a été consacré exclusivement à son oeuvre. Ils étaient aussi ses premiers sponsors allemands: von Bodenhausen lui a confié la préparation des matériaux publicitaires pour sa maison « Tropon » et des projets de meubles. Hary Kessler a commandé le projet des meubles pour sa maison de Berlin et Meier Graefe l’a chargé d’élaborer le projet du décor des intérieurs de sa « Maison Moderne » de Paris. Entre-temps von Bodenhausen a accumulé des capitaux et a fondé « Société van de Velde » à Ixelles à Bruxelles où Henry van de Velde a pu organisé la production de meubles selon ses propres projets. À cause du nombre croissant de commandes de l’Allemagne (y compris les projets des magasins pour la société berlinoise Haben et les travaux pour Folkwang Museum à Hagen) les ateliers d’Ixelles ont vite commencé à avoir des problèmes d’organisation et des difficultés financières (transport, dédouanement) et en hiver 1900 - 1901 ils ont été déplacés à Berlin. En octobre 1900 van de Velde s’est décidé à déménager avec sa famille en Allemagne.
À cette époque- là il élaborait aussi des dessins de soie pour l’usine Krefeld qui était aux prises avec une forte concurrence de Lyon. On a eu l’intention de créer un nouveau style esthétique et d’intercepter ainsi une partie du marché. À Berlin van de Velde s’est aperçu d’ un grand contraste entre l’art officiel et les nouveaux courants dynamiques dans les arts plastiques, la littérature et la musique. Il a été deçu par manque d’intérêt du milieu industriel et avant tout - par sa coopération avec l’entreprise de meubles berlinoise Hirschwald. Dans la période berlinoise van de Velde a réalisé l’une de ses oeuvres la plus importante: des modifications dans Folkwang Museum de Hagen (1900-1902). Bien que van de Velde soit embauché par Karl Ernst Osthaus comme architecte pour s’occuper de travaux essentiels, il a fait que la masse du bâtiment est devenue plus « moelleuse ». Il a écrit: J’ai essayé d’esquisser les lignes qui correspondraient aux éléments horizontaux et à la structure métallique du bâtiment. J’ai résolu le problème connu dans la nature: comment lier un squelette avec des parties du corps. Sous cet aspect la tâche de remplir le squelette métallique semblait si naturel. » Depuis 1896 le style économe celui que nous connaissons des meubles créés pour Bloemenwerf était progréssivement abandonné (la première commande de Bing). De plus en plus d’éléments faits de matériaux de luxe, de lignes courbes sinusoïdales commencent à apparaitre.
Cela a produit une compacité totale du meuble conçu, une unité exceptionnelle de la structure et du finissage (Les lignes dynamiques et actives renfermant la totalité en lui donnant une cohérence). Les ornements fonctionnent non seulement comme des décorations (en elles-mêmes) mais peuvent être presque un exemple essentiel de la présence fonctionnelle de l’espace. On peut obtenir cet effet par deux moyens: soit en rejettant tous les éléments décoratifs pour garder uniquement une forme pure du meuble (ainsi que van de Velde a fait dans ses premiers ouvrages et ce qui a éte répété dans une forme plus subtile dans la période postérieure) soit en recherchant un style encore plus sublimé qui met en valeur les éléments essentiels de la construction. Entre 1897 et 1905 van de Velde s’est prononcé pour cette deuxième solution: un bureau est avant tout une table de travail et rien d’autre donc tous les éléments de ce meuble sont subordonnés à une telle fonction et pas à une autre. Cela concerne aussi les chaises et les fauteuils dont les accoudoirs courbés incitent presque à ceder à une tentation irrésistible de s’y installer confortablement et de se relaxer. Les meubles de cette époque-là excitent à les utiliser , en répresentant la combinaison de l’expression et du fonctionnalisme. La proportion entre la construction et les éléments décoratifs est étudiée, il faut quand même remarquer que le soin de la forme est plus important que l’obtention de l’effet décoratif.
En 1901 Henry van de Velde a été invité par le grand-duc Wilhelm Ernst à venir au grand-duché de Sachsen-Weimar À cette époque-là l’industrie de cette principauté traversait des difficultés économiques à cause de la concurrence avec des entreprises allemandes mieux réassorties et avantageusement situées. À Weimar van de Velde a reçu une commande pour sauvegarder l’industrie périclitante. Cela a produit de l’effet dans la production de la céramique Burgel, dans l’atelier de vannerie du village de Tannrod (l’entreprise a produit aussi de la vannerie d’ameublement) et dans l’usine de tuyauterie Rhul. Il a éte chargé aussi d’organiser des séminaires sur l’art (« Kunstgewerbliche Seminar ») pour préparer les artistes à leur futur travail dans les ateliers artistiques et d’artisanat ou dans l’industrie des arts appliqués. De cette manière van de Velde groupait autour de lui des artistes, des artisans et des industriels: « Il a réussi à le faire six ans avant la fondation de Deutsche Werkbund et vingt ans avant Bauhaus » La période de Weimar c’est un enchevêtrement de grands succès et des situations difficiles causées avant tout par la critique violente et même le rejet total de ses oeuvres. En 1902 l’empereur allemand Wilhelm II a refusé de visiter une pièce meublée selon le projet de van de Velde à « Düsseldorfer Industrieasstellung ». L’intérieur présenté pendant cette exposition (prototype du musée planifié à Weimar) était très critiqué par la presse. Le projet du théâtre pour Louis Dumont a été rejeté par le théâtre de la cour de Weimar. Ses projets pour le théâtre parisien « Théâtre des Champs Elysées » (1910) n’ont pas été réalisé malgré leur prise en considération dans les projets de l’architecte français Perret. Villa de Chemnitz (1902), Villa Leuring de Schevingen en Hollande (1902), sa propre maison « Hohe Pappeln » de Ehringsdorf en Weimar (1902) ainsi que « Kunstschule » (1904) et Kunstgewerbeschule(1906 - 1907) ont eu plus de chance.
« Hohenhof » conçu et construit sur l’ordre de K.E. Osthaus dans la banlieue de Hagen était sa meilleure oeuvre. Henry van de Velde a réussi à donner à cette grande villa une impression d’un espace ordonné. L’harmonie avec l’entourage boisé a été réalisée par l’arrondissement des rebords, l’application de la pierre naturelle et l’arrangement varié des toits. Osthaus a décrit plus tard ce projet ainsi: « On voit ici clairement que van de Velde appuie ses conceptions en se référant plutôt au modelage plastique du corps qu’aux principes de réfraction de l’espace. Ce qui explique sa prédilection pour l’art grecque et le dégoût pour l’art rennaissance. Hohenhof est la preuve de ses tentatives de maîtrise d’une masse d’un édifice et on le voit bien dans les arrondissements des angles à l’étage supérieur de la façade est, le bombement des fenêtres en saillie de la salle de bains et la forme du toit. Même le projet de la cheminée est la confirmation de son sens plastique. Par la suite aucun des cours ni jardins ne démontrent pas des tendances à cette mise en ordre de l’espace. On cherche la vivifaction du matériel non seulement à travers le dosage de la tension entre la masse et l’espace mais aussi à l’aide d’une expression dynamique de la masse.